Tarzan – l’Intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume deux : 1969-1971 [Critique]

17 juin 2019 0 Par Kihaa

Décembre 2018, nous vous présentions Tarzan – l’intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume un : 1967-1969. L’entièreté du travail de Russ Manning a été annoncée en 4 volumes.

Le 12 juin 2019, pour le plus grand plaisir des collectionneurs et des bédéphiles, les éditions Graph Zeppelin sortaient le second opus, Tarzan – l’Intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume deux : 1969-1971. Les strips du « maître » attisent toujours la curiosité autant que Tarzan inspire le mystère. Pour autant, la magie Tarzan opère-t-elle toujours ?

Une collection prestige

Les quatre volumes de cette anthologie respectent une certaine ligne directrice : par leur présentation, leur contenu et le soin appliqué aux ouvrages.

La couverture du volume 2 de l’intégrale Russ Manning met à l’honneur Tarzan et son fils Korak. Le titre sur fond brun sépare les vignettes des différents alliés et dangers qui jalonneront la route du roi de la jungle. Vous l’aurez compris, le code couleur pour ce second opus, c’est le brun (contrairement au premier qui était bleu).

Le marque-page en tissu jaune et le papier épais de bonne facture sont toujours au rendez-vous. Le format à l’italienne rappelle que la grande famille de la bande dessinée est un art à part entière.

Tel un écrin, ce deuxième volume de Tarzan renferme quatre parties bien définies :

  • Russ Manning aux manettes : le rajeunissement des « Newspaper Strips » de Tarzan

  • Les pages quotidiennes : Les adorateurs du Gryf, la magie de Pal-Ul-Don, Taran et le pharaon de pierre, les rebelles du désert, Tarzan et le culte du Mahar

  • Les pages dominicales : Tarzan et le safari à Opar, Tarzan et Jane se rencontrent, Tarzan et la rivière du temps, Tarzan et les négriers, Tarzan rencontre Paul d’Arnot

  • Le monde de Tarzan : deux superbes cartes sur l’Afrique de Lord Greystoke

Russ Manning : son travail de dessinateur

Comme nous le soulignions la dernière fois, Russ Manning s’est dévoué corps et âme dès qu’il a été missionné par l’ERB Inc (la société de Burroughs) en 1967. L’artiste mettait beaucoup d’énergie à représenter Tarzan comme le meilleur de l’homme civilisé et du sauvage.

Dans un processus créatif, il est toujours très intéressant de connaître la vision de l’auteur. Pour Manning, le succès d’une bande dessinée ne pouvait s’expliquer que par la force d’écriture. Il expliquait d’ailleurs :

« Je dirais qu’au moins soixante-quinze pour cent de l’efficacité d’un strip, quel que soit l’angle d’attaque – esthétique ou global – est due à la qualité du scénario, pas à l’artistique… »

Dès lors, tout devient limpide ! Le lecteur comprend mieux la volonté de Manning de multiplier les rebondissements, les révélations et les intrigues. Plus encore, le quidam peut découvrir un dessinateur reconnaissant, un travailleur acharné mais aussi un père de famille responsable. Respectueux du Tarzan de Burroughs, il en gardait tous les codes, excepté la critique des années 30. Artiste solitaire, Manning avait beaucoup de mal à déléguer et faisait preuve d’un sens de la minutie à en faire pâlir plus d’un :

« Les meilleures BD sont faites par les gens extrêmement consciencieux, parce qu’ils mettent tout d’eux-mêmes, leur temps, leur énergie et leur enthousiasme ».

 

Les pages quotidiennes (dailies)

  • Les adorateurs du Gryf (un récit de Korak), 20 octobre 1969 – 3 janvier 1970 (strips 9439 à 9507)
  • La magie de Pal-Ul-Don, 5 janvier 1970 – 23 mai 1970 (strips 9505 à 9624)
  • Tarzan et le pharaon de pierre, 25 mai 1970 – 2 janvier 1971 (strips 9625 à 9816)
  • Les rebelles du désert (un récit de Korak), 4 janvier 1971 – 10 mars 1971 (strips 9817 à 9873)
  • Tarzan et le culte du Mahar, 11 mars 1971 – 31 juillet 1971 (strips 9874 à 9996)

Les dailies sont des aventures en noir et blanc, à la parution quotidienne. Complexes et divisées selon les besoins, les dailies prennent une place importante dans cette intégrale Russ Manning.

Faisant directement suite au premier volume, le lecteur assidu retrouve Korak en narrateur. Le fils de Tarzan revient sur la trahison dont il a été victime. Dans le feu de l’action, nous retrouvons des lieux et des personnages familiers comme le peuple des Ho-Don, Ab et Ta-Lur. Cette histoire met en lumière la jeunesse et la naïveté de Korak, par opposition à l’expérience et la lucidité de Tarzan.

La passivité de Tarzan est de courte durée. Le héros n’est pas fait pour être spectateur, il est l’acteur privilégié des intrigues. Dès lors, le roi de la jungle gravit la montagne à la recherche du peuple des sorciers et de ses compagnons capturés. Comme souvent dans la mythologie de Tarzan, la science et le surnaturel se côtoient. Dragons, lance-flammes et cocktails Molotov deviennent des réalités tangibles. Le concours des sorciers permet de souligner l’ingéniosité du roi de la jungle, capable de raisonner et d’élaborer un plan technique. Le dessin à la fois brut et raffiné de Manning résume à lui seul le personnage de Tarzan !

Les rebondissements s’enchaînent et entrainent Tarzan, Jane et Korak en Nubie, sur les terres des antiques égyptiens. Séparé du reste de la bande, Tarzan doit évoluer seul et faire face à une nouvelle menace exotique : un pharaon de pierre. Les batailles, les manigances et les manipulations sont monnaies courantes. Mais Tarzan est un homme droit, s’il aide par loyauté et solidarité, il sait aussi se détourner de ceux qui l’ont abusé.

De retour dans son Afrique natale, Tarzan enquête sur des disparitions inquiétantes. Des « ruines sans âge » plongent le roi de la jungle dans un culte étrange où une sorte de ptérodactyle, Mahar, contrôle la pensée des humains. Cette créature d’un autre temps vient du monde légendaire de Pellucidar, au centre de la terre. Monde qui n’est pas sans rappeler celui de Pal-Ul-Don et ses créatures préhistoriques.

Tous ces récits ont bien des points communs. D’abord, il y a la femme tentatrice qui occupe une place contestée de chef : Ju-ra la Ho-Don, Mu-Ophet la reine égyptienne, Djamila la bédouine. Des femmes qui n’ont cependant pas un leadership absolu comme l’atteste la déclaration du vizir : « Une femme ne peut pas régner sur notre terre ». 

Ensuite, toutes les situations possèdent un contexte politique trouble : des rebelles qui bousculent des traditions sacrificielles, des Égyptiens en proie aux envahisseurs européens, des Bédouins en guerre contre le gouvernement ou encore un Mahar chassé de chez lui à cause d’un soulèvement d’esclaves.

Le pouvoir des croyances est souvent l’élément déclencheur. Les supercheries sont multiples : fausse divinité, être surnaturel fabriqué, foudre et explosion provoquées, usurpation. Le superbe jeu de contrastes de Russ Manning dans les dessins permet de souligner le grandiose, comme pour mieux expliquer la crédulité des peuples. 

Tarzan est l’élément connecteur de ces mondes, celui qui est capable d’utiliser l’ingéniosité de l’homme civilisé pour résoudre un problème. Mais qui peut tout autant reprendre sa nature primitive pour survivre face à un danger. C’est d’ailleurs en redevenant un homme-singe qu’il échappe à la lecture des pensées par le Mahar.  

 

Les pages dominicales (Sundays)

  • Tarzan et le safari à Opar, 18 mai 1969 – 30 novembre 1969 (strips 1993 à 2021)
  • Tarzan et Jane se rencontrent, 7 décembre 1969 – 8 février 1970 (strips 2022 à 2031)
  • Tarzan et la rivière du temps, 15 février – 31 mai (strips 2032 à 2047)
  • Tarzan et les négriers, 7 juin 1970 – 8 novembre 1970 (strips 2048 à 2070)
  • Tarzan rencontre Paul d’Arnot, 15 novembre 1970 – 17 janvier 1971 (strips 2071 à 2080)

 

Les strips hebdomadaires (Sundays) sont en couleur et présentent des histoires plus courtes que les dailies. Les couleurs sont peut-être pâles et sans demi-mesure mais elles permettent de forts contrastes avec le noir (comme avec la lave).

A cause d’une expédition, Tarzan est de nouveau confronté aux hommes-bêtes d’Opar. S’il fallait trouver un fil conducteur pour les planches de cette intégrale, ce serait : les civilisations.  Opar n’est qu’un reste de l’Atlantide, et les hommes-bêtes, une contre-évolution d’humains raffinés en sauvagerie extrême. Cette poursuite entre les hommes-singes et Tarzan donnera lieu à une bataille épique et symbolique entre les grands singes et les hommes-bêtes.

A Tembo, la cité des éléphants, Tarzan doit faire face aux Anciens pour sauver Korak. Ces « sages » d’un autre siècle piquent la jeunesse de son peuple. Encore une fois, la civilisation apparaît comme malade et ravageuse. L’homme-singe n’est pas affecté car « il est insensible au temps qui passe ». 

Les Européens sont montrés comme opportunistes et immoraux. Entre ceux qui veulent ramener un homme-bête pour se faire de l’argent et ceux qui achètent des femmes et enfants comme esclaves aux Touareg, l’Occident inspire la méfiance, le dégoût et le chaos. Les pensées de Tarzan en disent long : « La civilisation… envahissante et destructrice ! Aussi têtue que la jungle… encore une fois je l’ai repoussée… mais pour combien de temps ? »

Le français Paul d’Arnot cristallise un peu plus le rejet que va avoir Tarzan. En effet, l’homme l’amène pour la première fois dans un port colonial. Le décalage entre le monde primitif et celui des hommes modernes est grand, trop même. Cela permet cette superbe vignette où Tarzan arrache ses vêtements tel un Hulk en constatant l’évidence :

« C’était donc ça la civilisation ?! Il n’en voulait pas ! Tarzan n’avait trouvé dans la civilisation que conflits et contraintes et ça lui était insupportable ».

L’aventure de Tarzan se poursuit magistralement avec l’Intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume deux : 1969-1971. Dépaysement, batailles épiques et dangers mortels sont au rendez-vous, nous rappelant que l’Afrique est une terre de mystère. Tarzan est le héros de la jungle mais aussi celui de l’humanité. Il incarne le meilleur de l’homme civilisé et celui de la nature sauvage et primitive. Il est aussi l’homme libre qui s’affranchit des obligations et des bassesses des civilisations. Principal protecteur de la nature et des innocents, Tarzan utilise le meilleur de son intelligence et sa force pour mener à bien sa mission. 

Note
  • 8/10
    Dessins - 8/10
  • 7.5/10
    Histoire - 7.5/10
  • 7/10
    Personnages - 7/10
  • 8.5/10
    Edition - 8.5/10
7.8/10

Résumé

Tarzan – l’Intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume deux : 1969-1971 est tout aussi soigné que le précédent ouvrage. Il dévoile les dessins inspirés de Russ Manning et permet d’explorer les autres mondes de l’Afrique. Plus encore, cette intégrale rappelle à quel point l’univers de Tarzan est riche, dense et complexe !