Tarzan – l’intégrale Russ Manning Newspaper Strips V1 : 1967-1969 [Critique]
23 décembre 2018Les éditions Graph Zeppelin ont sorti courant décembre 2018 un ouvrage rassemblant le travail du dessinateur Russ Manning sur Tarzan, intitulée Tarzan – l’intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume un : 1967-1969.
51 ans après les strips de celui qui restera le plus grand illustrateur de Tarzan, voici enfin une version française de choix. Mais que faut-il retenir de ce premier volume de l’intégrale de Tarzan ? Nous avons pu mettre la main sur l’ouvrage et voici dès à présent notre critique !
Un très bel objet de collection
Nous oublions trop souvent qu’un roman et une bande dessinée sont avant tout des objets à part entière. Avant de présenter un contenu, ils prennent vie grâce à la couverture, au dos et à la quatrième de couverture.
Tarzan – L’intégrale Russ Manning propose une superbe couverture en noir et blanc avec un Tarzan roi de la Jungle et l’ensemble de ses compagnons (grand singe, lion, Jane). Le titre sur fond bleu est à la fois sobre et terriblement tentant. Que vous soyez un fan ou non du Roi de la Jungle, la couverture attire l’œil et se veut une invitation à découvrir l’intérieur
Le papier épais est de très bonne facture, rendant le contact avec l’ouvrage appréciable. Un marque-page en tissu jaune permet de ne pas perdre le fil de sa lecture, on a le sens du détail chez Graph Zeppelin ! La reliure est solide, ce qui s’avère indubitablement un plus quand il s’agit d’un livre de cette envergure. L’intégrale sent bon le livre neuf, douce odeur qui chatouille les sens des amoureux des livres.
L’ouvrage s’organise en 4 grandes parties :
- Les inspirateurs de Russ Manning : Edgar Rice Burroughs et Tarzan, le seigneur de la jungle
- Les pages quotidiennes : Tarzan, Jad-Ben-Otho + Tarzan et le renégat
- Les pages dominicales : Le retour de Tarzan au pays des hommes-fourmis + Tarzan et le retour de Dagga Ramba + Korak et les femmes-éléphant
- Le Lexique du langage grand singe
Les différentes parties sont séparées par des illustrations de Manning sur des fonds monochromes (gris, bleu et brun).
Russ Manning, un juste rappel
Tout le monde connaît Tarzan, personnage à jamais intégré à la pop culture. Il est le personnage phare des romans d’aventure de l’auteur américain Edgar Rice Burroughs.
C’est sans aucun doute le cinéma qui permit aux différentes générations de s’imprégner du Roi de la jungle et de l’immortaliser (depuis les années 1910, Tarzan a été adapté plus de 40 fois, sans parler des séries). S’il est mondialement connu, les gens gardent l’image d’un homme sauvage au langage limité, fort et téméraire.
Une image quelque peu biaisée quand on connaît l’œuvre d’ERB et sa volonté de concilier les meilleures qualités de l’homme avec celles des créatures sauvages.
Mais, il y eut aussi l’importance des comics strips dès les années 29. Il faut néanmoins attendre qu’ERB Inc (la société de Burroughs) engage Manning dans les années 67 pour que le Tarzan des comics Strips soit le plus proche de l’œuvre originelle, à savoir intelligent et surhumain.
Manning a alors la libre action de décider du scénario et de la patte artistique, élevant le Tarzan des comics strips au rang d’art. L’homme est attaché au respect de l’œuvre de l’écrivain, s’en inspirant en inventant. Il remet au-devant de la scène les diverses peuplades exotiques, les lieux étonnants d’Afrique et surtout, des créatures qui mêlent réalité historique et fantastique !
Cette première partie de l’ouvrage, intitulée « Les inspirateurs de Russ Manning : Edgar Rice Burroughs et Tarzan, le seigneur de la jungle » a le mérite de recontextualiser la création de Tarzan et l’importance du travail de Russ Manning.
Les pages quotidiennes : Tarzan, Jad-Ben-Otho, 11 décembre 1967 – 5 octobre 1968, Strips 8857 à 9114 + Tarzan et le renégat, 7 octobre 1968 – 18 octobre 1969, Strips 9115 à 9438.
Les deux histoires ici présentées sont en noir et blanc. Elles constituent à elles seules les 2/3 de l’intégrale. Certains jeunes lecteurs seront peut-être peu réceptifs à l’absence de couleur. Personnellement, si j’adore d’ordinaire la couleur, je trouve qu’ici les dessins de Manning n’en sont que plus valorisés.
Les premières planches sont d’ailleurs frappantes, elles permettent de faire la connaissance avec Jal-Bal-Ja, le lion à la crinière d’or, fidèle ami de Tarzan. Tout de suite, le dessin est criant de réalisme, bien proportionné. La puissance et la beauté de la nature ressortent des traits d’une façon incroyable. Les visages humains sont soignés, seule Jane paraît légèrement idéalisée (peut-être pour marquer le contraste de ses origines).
Le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer, le voilà spectateur de l’enlèvement de Jane par un grand-singe gris. Capture qui se résolvera bien vite grâce à l’intervention de Tarzan et débouchera sur un DUM-DUM. Cette fête bestiale qui permet aux grands singes, à Tarzan et son fils Korak (Jack) d’exprimer la nature profonde de leur être. Elle est incomprise par Jane.
A partir de là vont s’enchainer différents enlèvements et péripéties permettant aux lecteurs de voyager. Manning étant soucieux de faire découvrir les richesses d’une Afrique méconnue. C’est ainsi que nous découvrons Opar, la cité d’or avec les hommes bêtes et le destin tragique de la Reine La.
Puis vient le monde perdu de Pal-Ul-Don, un monde sensationnel où le préhistorique côtoie des peuples inconnus. Les hommes chevauchent des Jad-Benko, à savoir des indricotherium. Ces grands pachydermes sont les ancêtres des rhinocéros. Tarzan, séparé de Jane, se retrouve alors confronté à des tensions entre deux peuplades : les Waz-dons et les Ho-Dons. Tout l’art de Manning est de placer Tarzan sous la coupe des Waz-dons pendant que Korak se retrouve chez les Ho-Dons pour en faire une confrontation dramatique.
Si je devais ne retenir qu’une seule séquence, ce serait incontestablement celle de la bataille entre les deux peuplades. Et quelle bataille ! D’un côté des Waz-dons sur des indricotherium et de l’autre des Ho-dons dirigeant des tricératops !
Les péripéties de Tarzan s’enchainent, l’amenant au contact d’un autre peuple, les « hommes tourbes », des T-Rex lâchés dans sa jungle, d’hommes ailés ou encore d’envahisseurs humains prêts à s’approprier la nature.
Le choc des cultures ne se limite pas à celui de la temporalité, avec Manning, cela se retrouve dans la nature de l’homme moderne. Il y a l’homme qui respecte la nature et celui qui veut l’asservir. De la même façon que Tarzan se bat au couteau et à la seule force de ses mains contre des humains maniant les armes à feu, gonflés par la cupidité et le pouvoir.
Tarzan est la symbiose de l’homme et de l’animal, il possède l’intelligence humaine et la force, les sens et l’instinct des animaux. Nous sommes bien loin de l’homme sauvage décérébré !
Les pages dominicales : Le Retour de Tarzan au pays des hommes-fourmis, 14 janvier 1968 – 16 juin 1968, Strips 1923 à 1945 + Tarzan et le retour de Dagga Ramba, 23 juin 1968 – 5 janvier 1969, Strips 1946-1974 + Korak et les femmes-éléphant, 12 janvier 1969 – 11 mai 1969, Strips 1975-1992.
Pour la seconde partie de l’intégrale, les planches sont en couleur ! La colorisation est assez typique des années 60 avec des couleurs pâles. Néanmoins, on évite ici l’aspect « flashy » de certains comics !
Si Tarzan n’hésite pas à tuer lorsqu’il est en danger, il sait aussi aider les visiteurs. C’est ainsi qu’il rencontre des « Occidentaux » en la personne de Cyril et Marlène. Le couple est bloqué à terre en raison d’une panne d’avion. Non seulement le Roi de la jungle va tuer un lion pour les sauver mais il va aussi réparer l’appareil. De cette situation initiale va découler toute une épopée menant Tarzan aux hommes-fourmis.
De nouveau, Manning nous dépayse en utilisant des peuplades totalement étrangères. Outre les hommes-fourmis, il y a par exemple les Zertacoles !
Il est troublant de voir dans les aventures de Tarzan des conflits entre différentes civilisations, conflits qui sont motivés par des incompréhensions ou des besoins primaires (la faim, le besoin d’étendre son territoire ou de se reproduire).
De la même façon, beaucoup d’événements ne s’expliquent pas rationnellement. Manning entretient une forme de magie primitive que l’on retrouve par exemple avec le monde perdu de Pal-Ul-Don. Cette même magie va amener Tarzan dans un ancien temple égyptien car des humanoïdes possèdent de vraies têtes d’animaux (et non des masques).
Le roi de la jungle n’est pas Superman, il est à de nombreuses reprises mis à mal, capturé, assommé et il s’en sort souvent grâce à l’intervention de ses amis. Dans les autres cas, il parvient à se dépêtrer en utilisant son esprit pour échafauder des plans.
Si Tarzan vit des aventures extraordinaires, Jane s’en distingue en étant associée au foyer. L’absence de son compagnon et de son fils ne tardera pas à la faire repartir sur le vieux continent. C’est d’ailleurs ainsi que s’achève cette intégrale.
Vous n’êtes peut-être pas un inconditionnel de Tarzan, comme ce fut mon cas. Pourtant, je ne peux que vous conseiller de lire Tarzan – l’intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume un : 1967-1969, parce qu’il vous fera découvrir un Tarzan fidèle à l’original. Un Tarzan dont les capacités ne se limitent pas à de la force brute et dont les aventures dépassent le cadre primaire de la jungle. Un Tarzan attachant, empathe, capable de générosité mais aussi d’être intraitable et déterminé lorsque cela s’avère nécessaire. Plus encore, vous pourrez découvrir des mondes imaginaires incroyables, une nature sauvage dont Jal-Bal-Ja le lion, Tantor l’éléphant et Balu le singe en sont les représentants. Cet héritage de Russ Manning redonne au Tarzan populaire ses lettres de noblesse. Il nous tarde de découvrir les trois volumes aux éditions Graph Zeppelin !
Note
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7.5/10
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8.1/10
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7.2/10
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8.5/10
Résumé
Tarzan – l’intégrale Russ Manning Newspaper Strips Volume un : 1967-1969 est vraiment un bel ouvrage ! Il restitue à merveille le travail du dessinateur Russ Manning et permet au personnage de Tarzan de gagner en profondeur. Les aventures s’enchaînent bien, nous entrainant à dévorer à grande vitesse ce volume 1. Vivement la suite !