Better Call Saul, justice et justesse font la paire [Critique]

16 octobre 2018 3 Par Joey

La saison 4 venant tout juste de se terminer sur Netflix, voilà une parfaite occasion pour revenir un peu sur Better Call Saul. Spin-off de la série précédemment acclamée Breaking Bad, Better Call Saul se concentre, sans grande surprise pour ceux familiers avec la série d’origine, sur le personnage de « l’avocat criminel », Saul Goodman. Ou plus précisément, James McGill.

A good man breaking bad ?

James, ou Jimmy pour les intimes, possède son lot de défauts. Comme tout le monde me direz-vous. Mais s’il a une qualité certaine, c’est bien d’avoir la tchatche. Sa langue lui aura valu au cours de sa vie bon nombre d’ennuis. Tout comme elle lui aura permis de se dépêtrer de situations épineuses en tous genres. Jimmy n’a pas le plus glorieux des passés, et peine de ce fait à trouver le respect de son frère ainé, Chuck, grand avocat de renom. Et si les deux frères partagent la même profession, la route qui les y a conduit est quant à elle bien différente.

Tout n’est pas toujours rose entre eux. La maladie de Chuck, la sensibilité hyper-magnétique, reste un mystère pour son entourage. Est-ce réel ou purement psychologique ? Le fait est que ce mal qui ronge Chuck, permet néanmoins aux frangins de passer du temps ensemble. Ce qui s’avère fortement appréciable pour nous autres spectateurs. Surtout que, malgré plusieurs saisons à son actif, les détails sur le passé de Saul Goodman nous étaient divulgués au compte-gouttes. Et c’est d’ailleurs un personnage bien différent, malgré des traits de caractère bien entendu reconnaissables, que l’on retrouve au commencement de ce spin-off. On sent que Jimmy est quelqu’un de bien. Seulement, certains mauvais choix passés continuent de le poursuivre. Des choix qui risquent de le pousser à en faire de nouveaux, pas forcément plus honorables, mais qui augmenteront certainement ses chances de réussite.

La fraîcheur mêlée à la familiarité

Mais non content d’être une série dérivée de Breaking Bad, Better Call Saul en est aussi et surtout une préquelle. Remontant le temps de 6 bonnes années, cette dernière s’avère être une œuvre modèle dans ce genre d’exercice narratif. Certes, on a parfois droit à des caméos qui peuvent paraître un peu faciles et gratuits. Mais les têtes connues qui viendront prêter main-forte à l’intrigue, tout en enrichissant leur background au passage, sont généralement incluses de manière tout à fait intelligente, et juste. Et si ces références à Breaking Bad sont clairement là pour titiller l’âme des fans, elles ne piétinent jamais la cohérence ou le rythme qui se veut aussi (voire plus) posé que son celui de son prédécesseur.

Better Call Saul se veut nettement moins dans le flashy. Elle pourrait cependant paraître un peu poussive pour certains, notamment ceux qui recherchent leur dose d’action. Mais Better Call Saul n’emprunte pas cette voie, et sait parfaitement se démarquer de sa grande sœur. L’intrigue est méticuleusement ficelée, au point de donner du sens à de simples répliques passées quasi inaperçues il y a plusieurs années. Elle n’emprunte d’ailleurs qu’à de très rares occasions la voie de la facilité. A côté de cela, la réalisation a sans aucun doute gagné en maturité. Et la bande-son y est toujours aussi bonne, avec un panel de musiques appropriées. Ce qui n’est pas étonnant en sachant qu’une bonne partie de l’équipe de Breaking Bad, à commencer par son showrunner Vince Gilligan, ainsi que Peter Gould, scénariste et créateur du personnage de Saul Goodman, sont de retour pour chapeauter cette nouvelle itération.

Un casting de qualité

On sent que ces deux compères aiment et respectent cet univers qu’ils ont créé. Il aurait été bien facile de refiler ce spin-off à d’autres showrunners, mais le fait que ces deux-là tiennent à leur bébé, continue de rassurer au fil des années. Parce que soyons clair, que vous ayez vu Breaking Bad ou non, Better Call Saul reste dans le haut du panier des productions actuelles et mérite, au moins, qu’on lui donne sa chance. Si tant est que vous soyez prêt à investir du temps, dans une série qui prend le sien. L’évolution des personnages y est sans doute moins radicale, mais aussi plus naturelle dirons-nous. Sans compter que le casting y est tout aussi solide. Que ce soit la star du show, Bob Odenkirk, pourtant surtout connu pour jouer dans des comédies, ou les autres rôles principaux, tous se donnent à fond et transpirent de talent.

Que ce soit Rhea Seehorn, qui incarne Kim Wexler, dont on suspectera inévitablement la potentielle relation amoureuse avec Jimmy. Mais bien heureusement, Kim est très loin de se limiter à cela. Outre celle-ci, difficile de ne pas citer Michael McKean, jouant Chuck, possiblement le personnage le plus complexe, et potentiellement divisif de la série. Cependant, impossible dans tous les cas de ne pas saluer le cœur mis à l’ouvrage dans ce personnage. Lui et son collègue de travail, incarné par Patrick Fabian, sauront apporter la dose d’ambiguïté nécessaire pour brouiller les pistes, et nos ressentis d’eux avec. On s’en tiendra là pour les figures majeures de la partie « avocat » de la série.

Deux préquelles pour le prix d’une ?

Quelle est alors l’autre partie me direz-vous ? Eh bien, si la série raconte avant tout l’origin story de Saul Goodman, il n’est pas rare qu’on se surprenne à oublier que la série est centrée sur lui. Et ce, lorsque Mike Ehrmantraut (toujours incarné par Jonathan Banks) fait ses petites affaires à l’écran. Peu présent lors des premiers épisodes, ce papy ex-flic saura pourtant voler la vedette à Jimmy à de nombreuses reprises. Probablement l’intrigue la plus « fan service » des deux, c’est celle qui se rapprochera bien plus de l’ambiance Breaking Bad, jusqu’à en inclure des acteurs assez importants. Cela étant dit, si les fans auront sans doute plus à en tirer de cet aspect de la série, reste que tout le monde pourra apprécier la tension palpable des diverses situations. Celles mettant en scène Mike bien entendu. Mais aussi et surtout une autre nouvelle tête casting.

Michael Mando incarne ici Nacho Varga, un dealer de drogue. Mais comme la grande majorité des personnages de cet univers, il serait injuste de penser que ce dernier n’est que cela et rien d’autre. Quand bien même il évolue dans un milieu répugnant et qu’il est certainement moins innocent qu’un jeune Jesse Pinkman paumé, ses motivations font des lui un des personnages secondaires les plus tridimensionnels de son petit cercle « d’amis ». Ces deux facettes, menées par Jimmy et Mike, font un boulot assez remarquable pour joindre les deux bouts avec la série d’origine. Et il était difficile d’imaginer, au premier abord, qu’un spin-off construit autour du comic relief de service, parviendrait à tenir tête à Breaking Bad. Voir même simplement à être aussi passionnante de par elle-même. Surtout qu’elle aurait facilement pu se casser la figure. On se réjouit que ce ne soit pas le cas.

Peut-être moins attrayante que sa grande sœur au premier abord, Better Call Saul n’a pourtant pas vraiment à rougir face à elle. Moins explosive mais plus intimiste en contrepartie, ce nouveau chapitre de cet univers profite de tout le temps qui lui est donné pour donner de la profondeur à son monde. Peu importe que vous soyez familier ou non avec ce dernier, Better Call Saul a suffisamment fait ses preuves au cours de ses quatre saisons, pour se faire une place de choix dans le monde télévisuel.

  • 9/10
    Casting - 9/10
  • 9/10
    Intrigue - 9/10
  • 7/10
    Originalité - 7/10
  • 8/10
    Format - 8/10
8.3/10

Résumé

On était en droit de douter. Mais Better Call Saul s’avère au final être une préquelle, et une série à part entière, de grande qualité. Ce qui est déjà un petit exploit en soi.

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