White Sand : la magie du sable [Critique]

2 mai 2019 0 Par Kihaa

White Sand est l’adaptation comics du roman éponyme non publié de Brandon Sanderson. L’histoire est racontée en trois tomes, dont voici le premier : sur la planète Taldain, du côté lumineux, les mythiques Maîtres des sables utilisent le lien qu’ils ont avec le sable pour le manipuler à leur guise.  Édité aux éditions Graph Zeppelin, White Sand est sorti le 19 avril 2019. Ce début d’aventure dans un univers fantasy est-il prometteur ? On vous dit tout !

Un univers aride qui s’émancipe des clichés

« C’est pour moi un grand honneur de voir cette histoire rencontrer enfin son public. Depuis ses timides débuts sur un carnet de croquis jusqu’à sa concrétisation sous la forme d’une superbe bande dessinée, elle a fait un long voyage pour arriver sous vos yeux ! C’est avec une joie incommensurable que je vous présente White Sand, mon premier roman » Brandon Sanderson (Préface de White Sand)

Brandon Sanderson est un écrivain américain connu pour ses romans de fantasy. Ses œuvres transportent le lecteur d’un monde à un autre, renouvelant à chaque fois le fonctionnement de la magie. White Sand est un très vieux projet, entamé il y a plus de 20 ans. Sanderson, alors insatisfait de ses écrits,  délaissa son travail jusqu’au jour où l’éditeur Dynamite le contacta. Avec l’aide du scénariste Rik Hoskin et du dessinateur Julius Gopez, Sanderson put enfin se débloquer. Ce qui semblait maladroit, brouillon, inachevé, devint une évidence !

White Sand s’organise en 6 chapitres : persévérance, avancement, ressources, divisions, compromis et nouveaux défis. Ils sont tous introduits par une page caractéristique représentant un soleil. Le comics propose également à la fin une section intitulée « autour de White Sand ». Cette partie souligne le travail de Julius Gopez grâce aux esquisses et crayonnés sur les personnages et scènes d’action. Pour une meilleure immersion, une carte en couleur d’une partie du monde se situe au début de l’ouvrage.

White Sand nous amène donc dans le monde de Taldain, du côté lumineux. Ici, le soleil est maître de ces terres et impose donc sa chaleur à tout ce qui l’entoure. De ce fait, les environnements sont arides, principalement constitués de sable. Habituée à la culture geek, mes premières craintes s’éveillent. Et si c’était une Tatooine bis ? Et si c’était une Dune copie conforme ? L’absence d’eau, la chaleur, la sécheresse et l’hostilité sont des éléments communs bien présents mais Sanderson marque très rapidement la rupture. L’eau par exemple est un bien précieux qui est courant pour celui qui connaît le monde dans lequel il vit. Plus encore, les différences passent par la structuration de la société des « lumineux » et ses fameux Maîtres des sables. Des êtres aux aptitudes hors-normes maîtrisant par exemple la slatrification, la faculté de changer du sable en eau ! Quelle agréable surprise d’évoluer dans un univers à la fois familier et terriblement exotique !

Le lecteur suit les aventures de Kenton, un apprenti Maître des sables pour le moins médiocre. Le jeune homme est entraîné par son père Praxton, un Mastrell (voyez cela comme un bon rang de maître). La première page de la bande dessinée donne le ton, elle s’ouvre sur un conflit père-fils et dévoile l’indéniable manque de talent de Kenton. Oubliez le fils prodigue, l’élu, le sauveur car le blondinet n’en n’a ni l’archétype ni l’étoffe. Imaginez maintenant qu’il est le seul survivant d’une tuerie entraînant la mort de tous les Maîtres des sables… À ce moment précis, on se dit que les dés sont jetés !

 

La découverte de l’inconnu et la quête de soi

Kenton n’est pas doué mais il est l’incarnation de la détermination. Certains pourraient tout autant dire de la surestime de soi, parce qu’il semble sûr de lui, du moins ce qu’il peut démontrer. Il est vrai qu’au début du comics, Kenton attise presque l’antipathie tant il se montre vindicatif envers son père. Il va même se lancer dans un défi insensé pour espérer obtenir un rang supérieur. Mais la témérité et l’arrogance affaibliront la portée de sa démarche. Il faudra attendre la moitié de l’histoire pour que Kenton évolue et montre enfin ce qu’il a dans les tripes. White Sand reprend certains topos du roman d’aventure comme la découverte de soi, le suivi d’une quête ainsi que le caractère masculin et juvénile de son personnage principal. Pour autant, il n’en délaisse pas la psychologie des personnages, bien au contraire.

S’il y a un côté lumineux dans ce monde, vous vous doutez qu’il y a aussi un côté obscur. Non, vous n’êtes pas dans Star Wars, ce qui distingue le côté lumineux du côté obscur, c’est la présence du Soleil uniquement. Le côté obscur est quasiment absent du récit. Il n’existe dans ce tome que par le biais de personnages. La duchesse Khrissalla et son expédition scientifique sont à l’image du lecteur, ceux qui découvrent des civilisations, des coutumes et mœurs inconnues. Cet effet miroir permet d’expliquer des évidences sans avoir à le faire de manière grossière. Je vous mets en garde cependant, la richesse des informations est telle qu’elle peut très vite avoir raison de vous. Le style vestimentaire, les postures et la technologie sont autant d’éléments non parlants à prendre en considération.

Les dessins de Julius Gopez sont saisissants, exotiques, dynamiques et particulièrement denses. Associés aux dialogues de Sanderson/Hoskin, les dessins permettent une immersion totale dans cet univers si différent. Petit bémol cependant, les apprentis et maîtres des sables sont difficilement identifiables au tout début du comics. Les traits des visages y sont pour beaucoup ! Fort heureusement, les choses s’améliorent rapidement !

 

Du conflit privé aux conflits généralisés

White Sand gère très bien le rythme de son histoire. Kenton passe d’une simple rivalité familiale à un conflit à échelle civilisationnelle et sociétale car les antagonistes sont autant extérieurs (Kertziens) qu’au sein même de son organisation (Diem). Les séquences de combat sont brèves mais intenses, elles démontrent qu’il faut mieux privilégier la qualité à la quantité !

L’action est bien disséminée tout au long de l’aventure, évitant le piège de l’ennui ou de la surdose. Autre particularité du comics, il alterne entre Kenton et l’avancée d’autres personnages. Cette construction classique mais efficace permet de dévoiler les motivations de certains d’entre eux et de mettre tout autant en évidence leurs problèmes. White Sand est à l’image du sable, un ensemble de grains individuels qui forment tous ensemble une masse uniforme. L’intrigue ne permet pas toujours de savoir quels sont les liens entre les personnages mais la construction, elle, nous fait sentir que tout est lié.

Brandon Sanderson et Rik Hoskin orchestrent brillamment ce premier volume puisqu’ils manipulent le lecteur sur un échiquier géant. Ils ponctuent l’histoire de personnages et de détails qui ne prendront tout leur sens qu’à la lecture des deux autres tomes. White Sand n’oublie pas que Kenton fait partie d’une société et que par conséquent, les problèmes politiques, économiques et sociaux existent.  Plus encore, l’auteur et le scénariste nous rappellent que dans un monde, la multiplication d’actions isolées devient une somme collective !

White Sand est la concrétisation d’un roman inachevé, remanié de multiples fois. L’écrivain nous entraine dans un monde désertique et paradoxalement si dense… un monde où la magie est institutionnalisée, où les conflits sont en train d’imploser.  Kenton entraine le lecteur dans un tumulte de rencontres, péripéties, rebondissements et énigmes ! Ce premier tome réussit à poser les bases d’un univers complexe, grouillant d’informations, et à introduire de nombreux personnages. Le dessinateur Julius Gopez met son talent au service du récit avec un rendu aussi dynamique qu’exotique. Si vous aimez voyager, découvrir de nouveaux univers et vous émanciper des réalités terrestres, White Sand est pour vous.

Note
  • 7/10
    Dessins - 7/10
  • 8/10
    Histoire - 8/10
  • 7/10
    Personnages - 7/10
  • 9/10
    Edition - 9/10
7.8/10

Résumé

Kenton est le genre de héros bien malgré lui sur lequel personne ne miserait. Évoluant dans un environnement aride particulièrement riche, il se retrouve propulsé dans des réalités qui dépassent son petit quotidien. Une constante demeure néanmoins : la détermination. White Sand pose les bases d’une trilogie solide où la magie, la politique et les clans sont rois. Sanderson a réussi à transposer son roman inachevé en format comics, grâce aux bons dessins de Gopez et à l’aide du scénariste Hoskin !