The Old Guard : l’immortalité version Netflix [Critique]
16 juillet 2020The Old Guard, adaptation cinématographique du comics éponyme, est sorti sur Netflix le 10 juillet dernier. Porté à l’écran par l’emblématique Charlize Theron, il est aussi produit par sa société Denver & Delilah Productions (ainsi que Skydance Productions). Pas étonnant donc que l’actrice en ait assuré coûte que coûte la promotion sur les réseaux sociaux ! The Old Guard met en lumière un groupe de mercenaires immortels œuvrant dans l’ombre pour le salut de l’humanité. Quand une firme pharmaceutique découvre leur existence, tout est remis en cause… Ce Highlander des temps modernes vaut-il le détour ?
The Old Guard : du comics au film
Quand le projet a été annoncé, peu de gens parmi le grand public savait qu’il s’agissait d’une adaptation. En effet, The Old Guard est avant tout un comics fantastique d’espionnage assez bourrin, écrit par Greg Rucka (Gotham Central, Chekmate, Punisher) et illustré par Leandro Fernandez (Wolverine, Spider-man, Queen & Country). Débutée en 2017, la série d’Image Comics est toujours d’actualité puisque depuis début 2020, quatre chapitres supplémentaires ont été publiés sous le titre The Old Guard: Force Multiplied. Nul doute que la vitrine Netflix entraîne un élan de curiosité et de probables nouveaux lecteurs !
L’aficionado des comics se méfie toujours lorsqu’il s’agit d’une adaptation. Il n’est pas rare que l’esprit du support physique soit massacré sur grand écran. Dans le cas de The Old Guard, Greg Rucka lui-même s’est occupé du scénario. Ce fait, assez exceptionnel pour être mentionné, permet à la réalisatrice Gina Prince-Bythewood d’éviter les attaques sur la légitimité de l’adaptation. Difficile d’opposer la vision du scénariste cinématographique à celui du comics lorsqu’il s’agit de la même personne ! Les modifications apportées au matériau de base, et notamment au personnage de Quynh s’expliquent d’abord par des contraintes budgétaires mais pas uniquement. Rucka est connu pour ses idées progressistes, donnant la part belle aux femmes et à la diversité. Dans ce contexte post MeToo et en plein Black Lives Matter, il n’est pas si surprenant de noter l’importance que Rucka donne dans son écriture à l’homosexualité et l’affranchissement de la femme. Importance soulignée ensuite dans la mise en scène et le montage de la réalisatrice Gina Prince.
Immortelle, immortelle, J’ai le sentiment d’être celle…
Qui survivra à tout ce mal 🎼
Le spectateur est rapidement propulsé dans le quotidien mouvementé des quatre mercenaires immortels : la chef Andy incarnée par la sublime Charlize Theron, Booker interprété par Matthias Schoenaerts (De rouille et d’os), Joe porté par Marwan Kenzari (Aladdin) et Nicky joué par l’italien Luca Marinelli. Le film ne se perd pas en explications et illustre plutôt bien le concept de l’immortalité pendant une scène de « fusillade » assez classique. Parallèlement, les problèmes que ce statut si particulier peuvent engendrer sont soulignés par le personnage de Nile, interprété par l’actrice Kiki Layne. Par ailleurs, les acteurs manquent d’énergie et d’une étincelle de fraîcheur, même Charlize Theron semble éteinte. Bien entendu, cela n’enlève rien à son charisme habituel et la « badasserie » de son personnage. Mais si vous aviez revisionné juste avant Blanche–Neige et le Chasseur ainsi que sa suite, Andy vous semblera fade à côté de la Reine Ravenna, elle aussi immortelle (du côté obscur néanmoins).
The Old Guard explore la psychologie de ses personnages, tout en restant en surface, ce qui est fort dommage : on aurait aimé voir le passé de chacun, sentir les liens qui les unissent à travers les âges et les émotions qui les assaillent davantage. Longue est la route de l’éternité ! Au casting principal s’ajoutent deux autres acteurs dont les têtes évoqueront forcément quelque chose au public : Chiwetel Ejiofor (Doctor Strange) et Harry Melling (Harry Potter). Les deux hommes n’ont pas vraiment le temps de montrer l’étendue de leurs talents avec des apparitions très courtes à l’écran.
Sur le papier, le casting a plusieurs éléments convaincants, qui flirtent bon la promesse d’un jeu d’acteur dynamique. Dans les faits, les personnages restent crédibles mais manquent de relief. Andy et Booker sont sans doute ceux qui suscitent le plus de curiosité et d’empathie de la part du spectateur. L’histoire d’amour qui existe entre deux personnages du film aurait pu être intéressante si elle ne se contentait pas d’étaler des éléments caricaturaux. Il y avait pourtant matière à exploiter de ce côté-là. Ngo Thanh Van en Quynh campe plutôt bien le personnage hors champ, celui dont la présence se construit par son absence. La formulation antithétique peut faire rire, mais elle est vraie. Quynh est l’immortelle que l’on ne voit que par le prisme des autres personnages et surtout au travers de quelques flashbacks. Il est vrai à ce propos que l’on reste un peu sur sa faim quant à sa relation avec Andy.
Andy raconte-moi une histoire
The Old Guard propose une histoire classique pour ne pas dire commune : des êtres avec des capacités extraordinaires sont rattrapés par la cupidité des hommes, sous couvert de la science. Une petite nouvelle découvre ses aptitudes et rejoint la bande avec ses doutes et ses états d’âme. S’enchainent alors les trahisons, les révélations, les grandes évasions et les scènes de baston. C’est justement là que le bât blesse. En effet, le comics se démarquait à l’époque par son visuel dynamique et assez cru. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il est classé M (mature). Le film reste lui dans une expression de la violence très passe-partout, presque grand public. Charlize Theron avait pourtant promis des séquences impressionnantes. Force est de constater que c’est très peu chorégraphié et ça ne marque pas les mémoires. Le film aurait pu tirer son énergie des planches originelles et à l’instar d’un The Boys rendre la violence terrifiante. Pour autant, The Old Guard n’est pas désagréable à suivre et on se laisse porter volontiers jusqu’à la résolution finale.
Quelques plans sont bien pensés, pour le reste, l’esthétique n’est vraiment pas le point fort du film. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce fait : le budget, nerf de la guerre mais aussi l’absence de vision d’ensemble de la réalisatrice et le manque d’expérience des sociétés de production derrière le projet. La bande-son hérite du même constat. Là où il est de bon ton de saluer la diversité des musiques employées, il l’est sans doute de nuancer aussi la pertinence de celles-ci. A la limite, le trailer de The Old Guard était plus marquant grâce à l’utilisation de la chanson Borders de M.I.A. Les lieux et environnements ne sont pas non plus mémorables parce que cela tient du lieu commun. Mention spéciale cependant à Goussainville qui lève le voile sur des communes méconnues de beaucoup de Français et du public international.
The Old Guard ne brille ni par son originalité de fond ni par celle de sa forme. Peut-être que les attentes du public étaient trop élevées ou que la présence de Charlize Theron induisait de faux espoirs ? Le film ne sort pas des lieux communs, des schémas vus et revus et des thématiques survolées. Cela n’en fait pas un mauvais film pour autant. Derrière l’absence d’audace et de prise de risque, l’histoire fonctionne, les personnages suscitent l’intérêt et le temps déroule son jeu sans jamais se faire sentir. Le principal défaut de The Old Guard c’est qu’il s’annonce comme un premier épisode d’une trilogie sans savoir qui l’est. En effet, la réalisatrice n’a pas caché, après coup, son envie de faire une suite en soulignant que Rucka avait conçu le scénario pour plusieurs films. Vu la fin, ce serait plus que logique. C’est là où The Old Guard réussit son tour de force : il nous amène à désirer une suite, à espérer que le conflit oppose des Immortels entre eux et surtout à revoir l’excellente Charlize Theron manier la hache !
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5.5/10
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8.5/10
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6/10
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5/10
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4.5/10
Notre avis
The Old Guard ne révolutionnera pas le monde du cinéma et il est probable que vous l’oubliez assez vite. Il vous permettra cependant de passer un moment sympa, en famille ou entre amis, lors d’une soirée canapé. Charlize Theron et sa bande vous accompagneront pendant 2h, sans prise de tête.
Le compte-rendu critique du film est excellent; j’ai regardé le film motivé par le fait de l’écouter en V.O. Je l’ai trouvé fade, pauvre, sans profondeur et sans relief. La mention que je lui attribuerais, serait seulement de pitoyable. 🙂