Umbrella Academy – Saison 2 : le charme des années 60 [Critique]
5 août 2020Umbrella Academy, la série Netflix qui met en scène des frères et sœurs super-héros, créait la surprise auprès du public avec sa première saison en 2019. Avec ses supers imparfaits, un petit côté décalé et une intrigue forte, la série a su s’imposer dans l’univers très prisé des super-héros. Loin de s’inscrire dans l’esthétique marvelienne d’Hollywood, l’adaptation de la bande dessinée de Gerard Way, a conquis les spectateurs en montant crescendo. La saison une s’arrêtait d’ailleurs sur un cliffhanger alléchant. 31 juillet 2020, plus d’un an après, la saison deux pointe enfin le bout de son nez. Les aventures de la famille Hargreeves sont-elles toujours aussi extraordinaires ?
Comme un petit air de déjà-vu
Souvenez-vous la saison 1 s’arrêtait sur une fin dantesque et un départ précipité. Nous retrouvons donc numéro 5 et sa petite tribu projetés accidentellement dans les années 60. La famille se retrouve morcelée, chacun de ses membres apparaissant seul dans la même ruelle à des années différentes. Cette séparation physique et temporelle marque la rupture familiale. Nos héros ne sont pas seulement dans des époques distinctes, ils sont également divisés émotionnellement (Luther / Allison, Luther / Vanya, Diego / Vanya…). Le changement d’époque n’annule pas ce qui a été. Les personnages gardent leurs blessures, leurs doutes et l’amertume de leurs actes ou de celles de leurs frères et sœurs. Vanya est néanmoins l’exception qui confirme la règle et ce traitement n’est pas dû au hasard. Nous y reviendrons plus tard.
Numéro 5 reprend son rôle de leader et cherche coûte que coûte à rassembler le clan. Encore une fois, il tente de sauver l’humanité et par la même occasion, sa famille. Bien entendu, la Commission ne l’entend pas de cette façon et envoie des agents à leur trousse. L’intrigue principale est donc de prime abord la même que la première saison. La construction jusqu’à la mi-saison est également calquée sur sa prédécesseure avec une famille disloquée et des membres déchirés. La dynamique de la saison 1 reposait sur la découverte des personnages, de leurs pouvoirs et de l’intrigue cataclysmique. Cette surprise-là s’émousse fortement à la saison 2, pourtant la magie opère toujours.
Balayé par de nouveaux enjeux
Pour que la saison 2 prenne une autre dimension, il faut regarder la petite histoire qui se déroule dans la grande. Entendons-nous bien, la menace qui plane sur l’humanité est importante, mais elle tient surtout lieu de décor. Ce n’est pas elle qui nous tient en haleine. Non, ce sont plutôt les réalités des années 60 qui font écho à notre actualité moderne. A cette époque, les Américains noirs luttent pour leurs droits et sont confrontés à une Amérique raciste, les homosexuels sont très mal perçus et se cachent, le patriotisme est un devoir aveugle, les femmes doivent mettre leur bien-être en veille au profit de leurs maris… La différence est pointée du doigt par la société. Tout ce qui n’entre pas dans les normes de l’époque est défini comme « un virus, une maladie qui se propage ». La discussion qu’aura Vanya avec un certain personnage sur la maladie introduite dans un troupeau de vaches prend alors tout son sens.
Nos supers ont tous intégré le passé, plus encore ils l’ont embrassé. Ils se sont construit des vies en perdant tout espoir d’un probable retour. Ils ont lié des amitiés, trouvé une profession, un toit et se sont engagés corps et âme dans cette nouvelle réalité qui est devenue la leur. Chaque épisode est intéressant parce qu’il montre comment chaque personnage a décidé de s’intégrer dans cette époque. Certains choisissent une vie paisible alors que d’autres s’engagent pour des causes qui les dépassent. Plus encore, un écart va se creuser entre ceux qui subissent cette nouvelle réalité, par choix ou par contrainte, et ceux qui vont chercher à la dompter en dépit de la grande Histoire, celle de l’humanité.
La Grande Histoire, c’est celle que nous apprenons dans les manuels scolaires et qui a façonné la société telle qu’elle est aujourd’hui. L’assassinat de JF Kennedy en fait partie. Que ce serait-il passé s’il n’avait pas été tué en 1963 ? Que seraient les États-Unis aujourd’hui avec ce président favorable à la déségrégation ? Pourquoi a-t-il réellement été abattu ? Autant de questions que nous et les personnages nous posons. Autant d’interrogations qui restent sans réponse aujourd’hui. Umbrella Academy en apporte quelques-unes de son côté et nous rappelle qu’il n’est jamais conseillé de vouloir changer le passé. L’adage « L’enfer est pavé de bonnes intentions » ne cessera jamais d’être vrai !
Des personnages entre aspérité et disparité
La force d’Umbrella Academy, c’est avant tous ses personnages. Cette famille de super-héros, fondée par un milliardaire autoritaire, rassemble des pouvoirs variés et des personnalités bien différentes. Tous sont néanmoins réunis par une éducation commune et des séquelles émotionnelles qui en découlent. La saison 2, à l’instar de la première, donne une place prépondérante à Numéro 5, trop même, et ce au détriment des autres. Là où Allison et Vanya prendront une réelle profondeur psychologique et un développement opposé en miroir, Luther et Diego seront sous-exploités.
Le tandem Klaus et Ben offre des pistes intéressantes même si Klaus est parfois englué dans la caricature. Cet aspect excentrique toujours sur la faille, est à la fois une force et une faiblesse du personnage. L’acteur Robert Sheehan est un brillant interprète qui sait donner le meilleur et relever son personnage quand celui-ci est le pantin d’une écriture scénaristique saugrenue. Ben reste un temps cloisonné à son rôle fantomatique avant de devenir plus « consistant », dans tous les sens du terme. Il est d’ailleurs bien plus important qu’il n’y paraît pour l’intrigue mais également pour Klaus lui-même. Ben est tout ce que son frère n’est pas ! Numéro 5 est égal à lui-même, un concentré d’intelligence, de condescendance et un soupçon de mépris. Aidan Gallagher maitrise parfaitement son jeu, nous invitant selon les épisodes et les événements à nous agacer du personnage.
Vanya, portée par l’excellente Ellen Page, se réinvente dans cette saison. Véritable page blanche, le petit canard de la famille va pourtant nous offrir un arc-en-ciel d’émotions touchantes en se découvrant. La relation si particulière qu’elle développera avec une femme et son fils contraste avec la fin de la saison 1. La série nous murmure à l’oreille « on ne naît pas mauvais, on le devient ». La narration mettra d’ailleurs l’accent sur les conséquences de l’éducation que ces sept enfants ont reçue. Allison (Emmy Raver-Lampman) de son côté, décide de se réaliser en tant que femme et de ne devoir sa réussite qu’à la force de ses décisions. Contrairement à Vanya, elle choisit consciemment une vie engagée, autant dans la sphère privée que publique et elle décide volontairement de la non-utilisation de ses pouvoirs. L’une et l’autre se construisent en parallèle selon un schéma opposé, animées pourtant d’une intention commune de bien faire.
« On prend les mêmes et on recommence » me direz-vous. Pas totalement. Il est vrai que l’époustouflante Kate Walsh n’a pas dit son dernier mot dans le saillant costume de la directrice. Les flash-back narratifs permettent de creuser sous la glace et font la part belle aux révélations. Madame ne serait pas seulement ce qu’elle paraît être. Après tout, on ne sait jamais qui se cache sous un parapluie ! Parmi les petits nouveaux, soulignons d’abord le trio de Suédois qui amène cette touche si exotique et loufoque propre à la série Umbrella Academy. Mais aussi, Lila (Ritu Arya), la folle de la bande, coéquipière de la famille malgré elle. Et c’est là que tout le brio de la saison 2 s’exerce ! L’intrigue principale, la grosse Histoire donc, est prévisible puisqu’une redite en partie de la saison 1. Mais l’autre intrigue, la petite histoire dans la grande, amène son lot de révélations, de retournements de situation et surtout de manipulations qu’il est difficile de voir venir du premier coup. Plusieurs visionnages sont nécessaires pour glaner les indices glissés ici et là à la manière d’une partie géante de Cluedo.
Umbrella Academy, une production impériale
Si Umbrella Academy doit encore s’améliorer sur son traitement des personnages et de l’intrigue globale, la technique elle, s’avère magistrale. Certaines critiques reprochaient un petit manque de peps à la première saison. C’est corrigé dès le premier épisode, avec une scène impressionnante rappelant un certain Dr Manhattan au Vietnam (Watchmen). Les effets spéciaux sont vraiment bien faits, avec des séquences esthétiques, des combats chorégraphiques et une maitrise parfaite des ralentis. La réalisation est propre, rendant honneur à l’ambiance années 60 tout en y distillant les ingrédients phares de la série.
Ainsi, du côté de la bande-son, c’est toujours un festival de musique jouissif pour les oreilles. On notera par exemple la version suédoise de Hello (Adèle) ou encore la reprise arrangée de Bad guy (Billie Eilish) qui donnent lieu à des moments visuels forts. Comme toujours depuis la saison 1, certaines scènes seront de purs instants de danse sans queue ni tête que les acteurs ont pris plaisir à tourner. L’esthétique n’est jamais négligée dans cette saison, elle serait même plutôt renforcée. Umbrella Academy gagne donc en technicité tout en conservant cette patte artistique qui incarne l’ADN de la série.
Umbrella Academy – saison 2 répète au premier abord un schéma bien rodé, déjà utilisé pour la première saison. Ce point de départ un peu réchauffé laisse craindre un plat fade aux ingrédients légèrement périmés. Les premières bouchées sont timides et l’explosion des saveurs tarde à arriver. Fort heureusement, à mesure que la saison s’installe, le plaisir caresse les papilles. Le traitement psychologique de certains héros, la venue de petits nouveaux hauts en couleur, les thématiques des années 60 mises en perspective avec les nôtres, les effets spéciaux de grande qualité, la petite intrigue qui prend le pas sur la grande et la patte artistique font de cette saison 2, une réussite. Plus encore, les derniers épisodes nous laissent présager une saison 3 originale qui pourrait bien être la meilleure, à condition de corriger les faiblesses de sa petite sœur.
Note
-
9/10
-
7/10
-
7/10
-
9/10
Résumé
Cette seconde saison d’Umbrella Academy reprend tous les éléments de la première saison. Ce qui en fait ressortir les faiblesses. Heureusement pour le spectateur, de nouveaux personnages, de nouveaux enjeux et des révélations inattendus viennent pimenter le tout. Le casting est impeccable et la réalisation parfaitement maîtrisée. Les deux derniers épisodes nous promettent une saison 3 riche en possibilités !