V Wars : la guerre des vampires la plus sanglante ! [Critique]
27 décembre 2019V Wars, un titre qui vous dit sûrement quelque chose… En effet, depuis décembre 2019, Netflix a lancé sa série éponyme mettant en scène le conflit qui oppose les vampires aux humains sur fond de virus. Ce n’est pas une critique de la série que vous trouverez ici, mais bien des comics dont elle est issue. V Wars, Tome 1 : la Reine pourpre regroupe les épisodes 1 à 5, sortis aux USA en 2014. Jonathan Maberry, détenteur du prix Bram Stoker, dirige le scénario d’une main de maître et donne la réplique au dessinateur Alan Robinson (Star Wars, Retour vers le futur…). Édité chez Graph Zeppelin, V Wars propose une lecture différente du vampirisme sur fond de science-fiction et d’interrogations politiques. Un pari réussi ? La réponse dans notre critique !
V Wars : le virus du vampire
« Ils sont ici.
Ils se cachent parmi nous.
Ils nous chassent.
Ils se nourrissent de nous.
Ils SONT nous. »
Dans la culture populaire, le vampire est davantage une créature folklorique, associée à la tradition littéraire et attachée au fantastique. Nous sommes par conséquent habitués aux classiques du genre : immortalité, luttes religieuses et séduction (retrouvez par ailleurs notre critique sur l’Authentique Dracula). V Wars arpente le chemin de la science-fiction et plus généralement celui des pandémies zombies. Un choix surprenant ? Pas tant que cela quand on sait que Jonathan Maberry est un habitué des comics zombies. De ce fait, V Wars propulse le lecteur dans un avenir bien sombre dans lequel le virus ICE (I1V1) s’est échappé des glaces et entraine des mutations sur les patients infectés. A la manière d’un World War Z, c’est par le biais du journal le professeur Luther Swann que l’intrigue s’articule. Ce spécialiste des vampires et de leur folklore va se retrouver au cœur d’une réalité qu’il a toujours niée : l’existence des vampires.
Le virus ICE modifie l’ADN pour activer le gène du vampirisme. Par conséquent, il peut toucher absolument tout le monde. L’influence « zombies » se fait ressentir jusque dans la terminologie employée : « patient zéro », « mutation », « pandémie », « symptômes », « maladie », « une faim inhabituelle et irrépressible ». Plus encore, c’est la façon de traiter la thématique des vampires qui est impactée. A la manière des plus grandes apocalypses zombies, l’histoire suit un groupe d’intervention nommé Victor 8. Les humains contaminés prennent alors des apparences diverses et variées selon leur culture. De ce fait, il n’y a pas une forme de vampire mais autant qu’il y a de superstitions : du traditionnel humanoïde aux longues dents, au diable ailé, en passant par le jenglot malais en terminant par les Edimmu (des vampires / Zombies du Moyen-Orient).
Structuré en cinq chapitres, le récit plonge le lecteur dans des missions sanguinaires, musclées où le pathos côtoie les impératifs de la guerre. Les dessins d’Alan Robinson sont trash et violents mais jamais dans le gore gratuit et insoutenable. Les survivants, les victimes et les tueurs changent tour à tour de visage. Comme dans tous les conflits armés, il devient difficile de désigner un « méchant » car les agissements de chacun reposent sur des circonstances et des enchainements de situations.
Ce monstre en chacun de nous
« Le plus dur, c’est de constater que cette fichue guerre nous vole peu à peu notre humanité »
Le professeur Luther Swann est le catalyseur de l’intrigue, c’est le spécialiste des vampires qui remplace le médecin, biologiste ou neurologue des catastrophes zombies. Intellectuel, pacifiste et homme de dialogue, Luther se retrouve bien malgré lui au cœur de la guerre. D’abord sollicité pour le patient zéro, il devient ensuite consultant particulier pour le Président et rejoint les agents de terrain via la section V-8. Luther, l’homme de lettres, n’est pas un soldat. La bestialité des humains et des vampires ne lui est pas familière. Il concentre le désarroi du lecteur et ce, même à son niveau. Suscitant l’empathie et la sympathie, il délivre ses pensées les plus sombres et les plus intimes par l’intermédiaire de son journal (le récitatif carré aux bordures bleues présentes à chaque vignette).
« La guerre, c’est l’enfer.
La guerre, c’est une fournaise…
Une forge…
Elle entraîne dans son sillage la mort, la douleur, les blessures, le deuil…
Elle crée des méchants et des héros. »
C’est ce contraste entre la dureté de la survie et ce monsieur tout le monde étranger à la violence qui génère une profonde réflexion sur l’humanité : « peut-on se permettre de ne pas devenir un monstre quand seuls les monstres peuvent survivre ? » s’interroge ainsi Luther. V Wars permet avec le vampirisme une approche plus philosophique de l’effet miroir, à savoir : le monstre que je vois renvoie au monstre que j’ai en moi. Mais le plus effrayant n’est pas toujours celui que l’on croit. Luther se retrouvera lui-même à commettre l’impensable et à sortir de sa zone de neutralité. Maberry pourrait nous assommer d’un bien-pensant « les humains sont tous mauvais » mais ne le fait pas. Sa narration et ses dialogues élèvent la problématique et montrent que tout n’est ni noir ni blanc. La vie est faite de nuances de gris.
Les expériences du terrain en Californie, à New York ou encore en Caroline du Sud vont profondément changer la vision de Luther mais jamais ses aspirations. Le professeur va rester jusqu’au bout fidèle à un idéal de paix entre les vampires et les humains. Cet idéal sera bousculé, remis en question par autrui et ce, de part et d’autre de l’échiquier. On va lui reprocher de faire de « grands et beaux discours » qui n’aboutissent à rien et ne sauvent aucune vie. Le destin ne lui fera aucun cadeau, le poursuivant jusque dans sa vie familiale. Pourtant, Luther restera attaché à la non-violence et au dialogue jusqu’à la fin.
Les Bloods et les Beats
La traductrice de Graph Zeppelin a gardé les mots anglais pour coller au plus juste à l’œuvre originelle. Choix judicieux puisque Jonathan Maberry a nommé les vampires les Bloods et les humains, les beats (battements) par opposition. Le traitement des vampires diverge alors de celui des zombies avec la notion de société. Les vampires ne sont pas tous des tueurs sanguinaires. Luther nous apprend que la plupart sont transformés et acceptent cette mutation sans chercher le conflit. Ce sont en premier lieu les humains qui vont traiter les vampires comme une menace : « les gens ont réagi comme ils en ont l’habitude quand ils ont peur. Ils ont fait preuve d’intolérance et de haine ». Ces réactions excessives vont entraîner des ripostes armées des vampires et la naissance de groupuscules clamant la suprématie de leur race.
La guerre n’oppose pas deux camps mais une multitude. Il existe chez les humains comme chez les vampires des opportunistes, des racistes, des pacifistes… autant de visions qui s’entrecroisent et s’entrechoquent idéologiquement et physiquement. Les machinations politiques vont bon train et cristallisent les peurs pour mieux attiser le chaos. La journaliste Yuki Nitobe est un personnage intéressant parce qu’elle incarne la défiance des médias. Cette jeune femme, journaliste d’investigation, habituée à couvrir les conflits armés va jouer un rôle décisif dans la bataille d’opinion. Sa rencontre avec une partie plus civilisée des vampires va susciter la curiosité des lecteurs, jouant sur un autre registre des émotions. Les derniers chapitres du comics font basculer l’histoire et les points de vue. Les pacifistes sont mis à l’honneur : le professeur Swann, éternel idéaliste incompris va enfin avoir sa chance.
V Wars revisite la figure du vampire pour lui offrir un traitement plus contemporain. Le comics mélange savamment la vision apocalyptique des histoires de zombies à celle des mutants de science-fiction. Les questionnements s’enchainent et les passions se déchainent. Le récit est bien orchestré et distille quelques rebondissements de bon aloi. Les personnages enfilent les souliers des clichés du genre pour mieux les déconstruire. Les dessins d’Alan Robinson sont parfois inégaux mais impulsent le dynamisme nécessaire pour illustrer la brutalité de la guerre. Le plot twist final promet un tome 2 intéressant !
Note
-
6.1/10
-
8.2/10
-
7.3/10
-
8.5/10
Résumé
V Wars plonge le lecteur dans un monde apocalyptique où les humains peuvent à tout moment devenir des vampires. Le virus ICE en est la cause et provoque un chamboulement sociétal. Jonathan Maberry signe un comics appréciable, qui sonne à la fois familier et nouveau. Les adeptes de la survie et des intrigues politiciennes vont adorer !